Transat Paprec : les leçons d’une course haletante

La Transat Paprec, première transat en double mixte, s’est terminée vendredi sur une arrivée très serrée. La victoire revient à Loïs Berrehar et Charlotte Yven (Skipper Macif) alors que Gaston Morvan et Anne-Claire Le Berre (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) prennent la deuxième place suivis par Corentin Horeau et Pauline Courtois (Mutuelle Bleue). Ce podium 100 % Pôle Finistère Course au large est une satisfaction pour Jeanne Grégoire, directrice du Pôle, qui revient sur une course palpitante.

Comment avez-vous suivi cette Transat ?
 
Avec beaucoup d’intensité, comme à chaque fois que nos bateaux sont en mer. Nous suivons bien sûr la cartographie et Erwan (Tabarly) fait des routages tous les jours. On regarde aussi les vidéos pour voir dans quel état d’esprit sont les marins. Ce qui est sympa, c’est que tous les coureurs du Pôle suivent la Transat, même ceux qui sont en IMOCA, engagés sur d’autres courses. Ils apportent aussi un regard très intéressant et cela démontre la forte émulation qui règne au sein du Pôle. J’ai bien sûr suivi les « lives » d’arrivée pour voir dans quel état ils terminent et capter les premiers mots !
 
C’est utile pour la suite ? 
 
Nous suivons la course avec beaucoup d’assiduité mais on sait que l’on n’a qu’une partie de la vérité car nous n’étions pas sur l’eau avec eux. La deuxième phase consiste à retranscrire l’expérience des coureurs pour qu’elle soit exploitée plus tard. Nous leur laissons le temps de se reposer, de faire la fête mais ils vont aussi remplir un questionnaire « à chaud » pour garder une trace. Dans les prochaines semaines, nous récupérerons aussi les données des bateaux pour faire une analyse plus fine. Ces retours d’expérience sont ensuite utilisés pour préparer les courses suivantes. Pour cette édition de la Transat, nous nous sommes appuyés sur les fiches crées lors de la dernière édition. Cela a été particulièrement utile car c’est seulement la deuxième transat en Figaro 3.
 
Les quatre premiers concurrents se préparent au Pôle Finistère Course au Large. C’est une victoire collective ?
 
Bien sûr, c’est une grande satisfaction de voir cette arrivée groupée. Cela récompense tout le travail réalisé par l’équipe à Port-La-Forêt et je pense bien sûr à Erwan Tabarly qui les accompagne au quotidien. D’une manière générale, il y a beaucoup d’experts sur notre territoire finistérien et ils sont heureux de partager avec cette nouvelle génération de marins. Vincent Riou, vainqueur du Vendée Globe, a par exemple travaillé sur la stratégie avant le départ. C’est une chance énorme pour les coureurs de bénéficier de son expérience.
 
C’est la première Transat en double mixte, c’est un format qui fonctionne ?
 
Ce nouveau format a toute sa place. On a pu voir une course très équilibrée avec une flotte compacte et un niveau très homogène. Le podium est conforme à ce que l’on pouvait imaginer et il y a eu une belle bagarre pendant ces trois semaines de course. On voit aussi que les filles ont gagné une expérience énorme. Charlotte Yven, Pauline Courtois, Sophie Faguet n’avaient jamais traversé l’Atlantique, elles changent maintenant de catégorie. On voit par ailleurs que toutes les courses intègrent les filles, comme c’est le cas avec The Ocean Race.

Comment expliquez-vous la victoire de Loïs Berrehar et Charlotte Yven ?
 
Loïs et Charlotte, les deux Skippers Macif, font une course magnifique et ils méritent cette victoire. Ils ont toujours joué aux avant-postes. Le final s’est joué au mental mais aussi sur la glisse du bateau. Ce sont deux figaristes à bord et cela leur donne un bonus de vitesse. D’une manière générale, ils n’ont jamais fait de placement risqué et cela, tu peux te le permettre lorsque tu as une bonne vitesse.
 
Et le reste du podium ?
 
Gaston Morvan et Anne-Claire Le Berre, sur Région Bretagne Crédit Mutuel Performance, ont réalisé une très belle option au début de l’Atlantique qui a leur a permis de recoller avec la tête de flotte alors qu’ils étaient un peu en retrait jusqu’aux Canaries. Corentin et Pauline, sur Mutuelle Bleue, terminent troisième mais ils ont été bien placé tout au long de la course. C’est l’équipage qui cumulait le moins d’expérience avec Pauline. Pauline découvrait le large et l’équipage réduit. Ils ont été les grands animateurs de la course. C’est aussi le talent de Corentin d’avoir amené Pauline à ce niveau-là.
 
Quels sont les moments forts de cette Transat ?
 
Pendant les premiers jours de course, je retiens la belle trajectoire d’Ingelec. Camille Bertel et Pierre Leboucher ont été audacieux, leaders et ont réalisé des trajectoires très pertinentes qui n’avaient pas été identifiées avant le départ. Ils étaient toujours à l’initiative et les concurrents ont dû s’adapter.
 
Dans la phase suivante, au début de l’Atlantique ce sont Gaston Morvan et Anne-Claire Le Berre (Bretagne – CMB Performance) qui signent un joli coup. Ils vont chercher du vent fort au sud de la flotte ce qui leur permet de revenir au contact. Cette option les remet complètement dans le match. Ils peuvent jouer la gagne mais ensuite ils ont peut-être été pénalisés par leur avarie de safran. 
 
En troisième, je retiens l’option de Basile Bourgnon et Violette Dorange (Edenred) mais cette fois, c’est sans doute une erreur de jeunesse. Par expérience, on sait qu’il ne faut pas prendre de grandes options après les 1 000 premiers milles. Ils ont tenté une option de la dernière chance mais elle leur fait perdre deux places. Je suis triste pour eux que ça n’ait pas fonctionné mais ils sauront en tirer les bons enseignements car ils ont tous les deux de grandes qualités.
 
La prochaine échéance, c’est la Solitaire du Figaro. Est-ce qu’une transat en double permet de préparer une Solitaire ?
 
Oui… et non ! D’abord, la Transat Paprec est une course à part entière qui ne doit pas être considérée comme une régate d’entraînement. Elle marque une carrière ! Cela dit, c’est aussi un accélérateur de progression. Quand on passe 18 jours à bord de son bateau, on l’a dans les pattes. En termes de sensations, cela permet de le ressentir beaucoup mieux, de le connaître par cœur, et côté humain, on s’enrichit de l’expérience de l’autre. Ne faire que du solitaire, c’est risquer de se retrouver coincer sur certaines choses. C’est important de se confronter à l’autre, c’est comme ça que l’on progresse. Et cette édition est particulière pour les filles qui ont fait un grand bond en avant. La Transat permet de désacraliser le large et le fait de s’éloigner des côtes. On réalise aussi que le bateau est gérable, même dans des conditions fortes. Le troisième avantage est que cela permet d’être au contact de ses concurrents au quotidien, d’être en permanence en mode « régate ». Mais Il y a aussi des limites dans l’exploitation des qualités pour une transat car le double et le solitaire sont deux exercices différents, comme le sprint et le marathon. Cela dit, les onze équipages engagés auront bien sûr un vrai « plus » par rapport à leurs concurrents cet été.

Classement définitif : 
1. Loïs Berrehar – Charlotte Yven (Skipper MACIF)*
2. Gaston Morvan – Anne-Claire Le Berre (Région Bretagne – CMB Performance)*
3. Corentin Horeau – Pauline Courtois (Mutuelle Bleue)*
4. Guillaume Pirouelle – Sophie Faguet (Région Normandie) *
5. Camille Bertel – Pierre Leboucher (Cap Ingélec)
6. Chloé Le Bars – Hugo Dhallenne (Région Bretagne – CMB Océane)*
7. Maël Garnier – Julia Courtois (AGEAS – Ballay – Cerfrance – Baie de Saint-Brieuc)
8. Basile Bourgnon et Violette Dorange (EDENRED)*
9. Arthur Hubert et Colombe Julia (MonAtoutÉnergie)
10. Alicia de Pfyffer et Edouard Golbery (Race For Science – Verder)
11. Arnaud Machado et Lucie Queruel (Race For Science – Verder)

* Equipage entraîné par le Pôle Finistère Course au Large