Longtemps, La Solitaire du Figaro lui a échappé. Cette année, Corentin Horeau (Banque Populaire) est le vainqueur incontesté d’une édition riche en rebondissements. Il revient sur sa saison, sa course et se projette déjà dans l’avenir.
Jusqu’ici, la Solitaire du Figaro ne t’avait pas réussi. Qu’est-ce qui a changé cette année ?
Cette année, j’ai changé ma façon de me préparer en essayant d’être beaucoup plus axé sur la fraicheur et le plaisir et peut-être un peu moins sur le travail même si cela va un peu à l’encontre de ce que l’on entend souvent. L’année dernière, j’avais beaucoup navigué mais je suis arrivé cramé sur La Solitaire. Cette année, j’ai travaillé avec un préparateur mental. Nous avons considéré que j’avais le niveau technique pour gagner cette course. Il fallait donc travailler sur d’autres points, ce qui a plutôt bien fonctionné. Ça a bien marché cette saison et Banque Populaire m’a contacté. C’est une grosse équipe qui m’a permis de me libérer d’une partie technique et logistique. Je n’avais qu’à penser à la navigation. Sur le plan psychologique, cela rassure également. Les skippers Banque Populaire, ils ne sont pas si nombreux. Quand ils sont venus me chercher, je me suis dit : « pourquoi moi ? » mais ils ont eu raison.
Tu réalises une saison magnifique.
Cette année, je ne fais que des podiums avec une belle victoire sur la Solo Maitre Coq. C’est une saison presque parfaite avec un podium sur la Transat Paprec. J’ai juste le regret de ne pas avoir gagné le Tour de Bretagne avec Basile. Nous sommes passés tout près mais il y a un goût d’inachevé. Il faudra revenir.
Au départ de la première étape, à Ouistreham, tu es dans quel état d’esprit ?
Pour la première étape, j’étais impatient d’y aller. Je n’ai jamais été aussi prêt et je rentre dans le bain très vite. Nous sommes en tête de flotte aux Scillys mais on s’est trop regardés avec Guillaume (Pirouelle) et Loïs (Berrehar) et nous avons tardé à faire du Nord. On savait que les poursuivants pouvaient tenter de couper au plus court et c’est ce qui s’est passé. Dans la baie de Kinsale, je prends une mauvaise bascule de vent qui me fait perdre 10 places. C’est un peu dur de terminer 15ème mais les écarts sont faibles et je crois qu’il faut en passer par là pour gagner La Solitaire.
Entre Kinsale et Roscoff, c’est un peu l’ascenseur émotionnel ?
Lors de la deuxième étape, presque tout le groupe Pôle rate le coup à terre, le long des côtes Irlandaises. On arrive avec du retard à Chicken Rock (Ile de Man, ndr). J’en profite pour dormir et manger pour repartir frais. Je suis avec Loïs (Berrehar, MACIF) et on est à fond. On a une belle vitesse et quand j’apprends, mercredi matin, que Gaston est en tête et que je suis juste derrière, ça me relance. Nous terminons avec une belle bagarre avec Basile et les écarts se creusent derrière. C’est inimaginable comme fin de course mais La Solitaire est comme ça. On a eu de la réussite, c’est vrai mais c’est pour toutes les fois où l’on n’en a pas eu. Je me suis réveillé le matin pour aller accueillir Guillaume (Pirouelle) et Alexis (Loison) car ils avaient besoin de soutien. De mon côté, je n’ai que 8 minutes de retard sur Basile, c’est très peu. Il me reste alors quatre jours pour faire quelque chose de beau.
La victoire est alors à portée de main ?
Je prends un super départ de Roscoff mais j’ai une nuit très compliquée. Je suis obligé de plonger trois fois dans la nuit pour enlever des algues et un casier. C’est compliqué de plonger de nuit, c’est quelque chose que je n’avais jamais fait en course et on peut perdre une Solitaire là-dessus. A ce moment-là, je me dis que si je m’en sors, tout est possible et au matin, je n’ai qu’un petit mille de retard. Ensuite, je fais une belle descente jusqu’à Hourtin. Je repasse devant Basile et Loïs et je sors mon épingle du jeu. Après la dernière marque, je sais que c’est gagné. Loïs est dans mon rétroviseur et Basile est plus loin, je commence à savourer. Une fois passée la ligne, c’est la libération, ce moment que j’attendais l’attendais depuis des années.
Tu dis pourtant que tu n’as pas très bien navigué ?
Je pense que j’ai déjà mieux navigué que cette année. En 2021, j’avais fait de très belles choses mais je ne gagne pas. Cette année, c’était la bonne approche. Il fallait être prudent, rester dans le groupe et se retenir de prendre des options trop marquées.
Tu reviendras sur cette course ?
Je reviendrais sur la Solitaire. C’est une course qui procure des émotions folles, c’est tellement dur d’être performant. C’est ce qui en fait la beauté et c’est un circuit sur lequel on navigue beaucoup. On est sur l’eau dès le mois de janvier et on n’arrête pas. Pour apprendre la tactique, la stratégie, il n’y a pas de meilleure école.
Cette victoire, elle t’ouvre des portes ?
J’ai toujours pensé qu’il fallait gagner la Solitaire avant de passer à autre chose. La suite logique, c’est d’aller en IMOCA. Quand j’étais jeune, ça me faisait peur mais aujourd’hui, je me sens prêt. Je vais d’ailleurs faire la Transat Jacques Vabre aux côtés de Benjamin Dutreux, je verrais si ça me plait. On a la chance de pratiquer un sport qui offre beaucoup d’ouvertures. Je vais aussi faire de l’Ultim avec Banque Populaire l’année prochaine.
Quelle est la place du Pôle Finistère Course au Large dans ta préparation ?
Le Pôle Finistère Course au Large, c’était un rêve d’y arriver quand j’étais gamin. Tous les grands champions sont passés par là. J’ai grandi avec le Pôle et je ne peux pas faire sans. C’est une petite famille où il y a une grosse envie d’échange et de partage. Je ne peux plus m’en passer, il y a des experts dans tous les domaines. D’autres structures s’en inspirent mais le Pôle a une telle avance ! Sur cette Solitaire, on travaille avec Nicolas Lunven, Jeanne Grégoire et Erwan Tabarly. C’est un sacré combo, on ne peut pas faire mieux.