La seconde étape de La Solitaire du Figaro – Paprec est de celles qui restent dans l’histoire, belle pour certains, cruelle pour d’autres. Dans les petits airs de la Baie de Morlaix, elle consacre un jeune marin, Basile Bourgnon (Edenred), qui s’impose à 21 ans seulement. Mieux que la victoire, Basile prend la tête du général devant Corentin Horeau (Banque Populaire) et Loïs Berrehar (MACIF). Les trois hommes ont les honneurs du podium mais surtout, ils prennent un ascendant inespéré puisque le gros de la flotte est relayé à plus de trois heures, sans parler des grands favoris, Alexis Loison et Guillaume Pirouelle qui ne sont arrivés que ce matin, plus de 15 heures après le vainqueur.
Bourgnon, Horeau et Berrehar ne pouvaient rêver d’une meilleure situation à la veille de la troisième et dernière étape. « Les trois premiers sont en position de gagner la Solitaire » résume Erwan Tabarly. Le coach du Pôle s’est arraché les cheveux tout au long de cette étape. « C’est dur de rester calme, on vibre avec eux » explique-t-il. Car le trio de tête revient de loin.
Vent privatif
« Basile a eu jusqu’à 30 milles de retard » poursuit Erwan qui a vu la course basculer à Land’s End, la pointe occidentale du Royaume Uni. Au pied de ces falaises, Bourgnon est allé au plus près de la côte où il a capté – seul – un vent d’orage que certains appellent la « risée Bourgnon ». « Au moment décisif, Basile, Corentin et Loïs étaient au bon endroit et ils ont su se détacher du groupe. Surtout, ils ont su s’accrocher alors qu’ils étaient loin derrière » salue Erwan Tabarly. Car à ce moment de la course, les regards sont tournés vers l’ouest où un petit groupe a réussi à creuser l’écart.
Piège en mer d’Irlande
Après avoir enroulé le phare de Chicken Rock, au sud de l’île de Man, Alexis Loison (Groupe Reel) est au contact d’Hugo D’hallenne, alors en tête de la flotte. Cap au sud – au sommet de son art – Alexis prend les commandes et emmène un petit groupe avec entre autres, Charlotte Yven (MACIF) et Guillaume Pirouelle (Région Normandie). Jeanne Grégoire, directrice du Pôle, fait tourner les routages, elle ne voit pas la moindre erreur stratégique : « Il a hyper bien navigué, il n’a rien à se reprocher. » Cette course parfaite s’avère pourtant être un piège qui se referme sur lui et ses concurrents directs. En Mer d’Irlande, leur position les emmène logiquement à l’ouest du DST (Dispositif de Séparation du Trafic). Pour les analystes, à terre, ce choix est celui de la raison. « Dans leur position, tous les éléments rationnels les font passer au large. A terre, avec des fichiers actualisés, on voit bien que le groupe de poursuivants va refaire son retard en arrivant avec un timing de courant différent à la pointe St David » poursuit Jeanne. « On s’attend à un regroupement et une nouvelle ligne de départ ». Pourtant les développements orageux et les vents aléatoires inhérents vont créer des écarts qui ne feront que s’accentuer.
Double peine
Loison et compagnie perdent l’avantage à l’entrée de la Manche mais c’est la Baie de Morlaix qui leur inflige la double peine. Au soleil couchant, alors qu’ils approchent de la ligne, le vent s’effondre derrière le trio vainqueur. La mer est une flaque, les voiles pendouillent et le compteur égrène les minutes, puis les heures. C’est même une nuit complète qui va s’écouler avant qu’Alexis, Guillaume et Charlotte ne franchissent la ligne, le temps de voir s’envoler leurs espoirs de victoire.
La Solitaire du Figaro est connue pour consacrer de grands vainqueurs. A l’occasion de cette seconde étape, elle a aussi été intraitable avec des marins de talent.